Vivre un deuil périnatal - Mieux traverser le deuil

Vivre un deuil périnatal

16 mai 2019 Image Vivre un deuil périnatal

En avril 2018, j’ai vécu l’épreuve du deuil périnatal, l’expérience la plus douloureuse de ma vie, à laquelle rien ne me préparait. Foudroyée, blessée au plus profond de mon être, il m’a fallu réapprendre à vivre avec le manque de mon enfant.

UN DRAME INCONCEVABLE

Une grossesse sans nuage

Début avril. Le terme de ma grossesse approche à grands pas et je suis impatiente de rencontrer enfin le petit être que j’ai porté pendant presque 9 mois. 9 longs mois à jongler entre travail, rendez-vous de suivi médical, séances de préparation à l’accouchement et vie quotidienne avec un aîné de 3 ans et demi pour le moins dynamique….
En cette fin de grossesse, malgré un peu de fatigue, tous les voyants sont au vert et notre bébé, une petite fille, est en grande forme. Elle fait déjà partie de la famille et de nos projets et nous avons hâte de la tenir dans nos bras. Je suis heureuse de toucher du doigt l’aboutissement de notre rêve de famille à quatre.

La nuit où tout bascule

La veille de l’accouchement, alors que je vais chercher mon fils à l’école,  je ressens une violente contraction. Le terme étant désormais tout proche, j’imagine une contraction de travail et ne m’en inquiète pas outre mesure. Le soir, je sens encore le bébé bouger et la douleur est passée.
C’est dans la nuit que des sensations inhabituelles m’alertent et que mon intuition me pousse à consulter en urgence. En arrivant à la maternité, des pertes de sang commencent à m’inquiéter sérieusement. Un monitoring est fait rapidement, les sages-femmes ne parviennent pas à sonder les battements du cœur du bébé. La gynécologue de garde est appelée en urgence et très vite le verdict tombe : « Madame, je suis désolée mais le cœur de votre bébé s’est arrêté de battre ».

Un cauchemar éveillé

À cette annonce, le ciel me tombe sur la tête. Je me tords de douleur, je hurle, je ne veux pas y croire. Mon corps est parcouru de tremblements qui ne me quitteront plus pendant les heures qui suivent et me reprendront par moments les jours suivants. Ils sont les premiers signes visibles du choc provoqué par le traumatisme.
Je suis terrifiée par la mort qui m’habite désormais, tellement contraire à la naissance qui se préparait. C’est le chaos dans mon esprit, je ne comprends pas ce qui m’arrive, ce qui nous arrive. J’appelle mon conjoint et lui annonce la nouvelle brute au téléphone. Il est lui aussi sous le coup de l’impensable mais parvient à me rassurer en me disant qu’il est avec moi et qu’il me rejoint au plus vite.

Une cause : l’hématome rétro-placentaire

Alors que j’imagine qu’une césarienne va être pratiquée en urgence, l’équipe de la maternité m’explique que l’accouchement se fera par voie basse pour préserver l’utérus. Je suis installée en salle de travail et les contractions sont déclenchées.  Le gynécologue qui a pris le relais au petit matin m’explique ce qui a causé la mort de notre bébé, un hématome rétro-placentaire qui a coupé les échanges vitaux. Un phénomène quasi imparable selon lui, d’autant qu’aucun examen durant ma grossesse ne pouvait le laisser présager.

Une naissance sous silence

La sage-femme qui nous accompagne prend le temps de discuter avec nous de la suite : est-ce que nous souhaitons voir notre bébé, lui donner un prénom, l’habiller ? Est-ce que nous pensons organiser des obsèques, autoriser une autopsie ? Des questions auxquelles nous n’aurions jamais imaginé être confrontés un jour… et des décisions à prendre dans l’urgence alors que nous réalisons à peine ce qui nous arrive.
Quelques petites heures plus tard vient le moment de la poussée et d’une naissance rapide. Notre petite Jeanne vient au monde, dans un silence déchirant. La sage-femme l’emporte quelques instants et revient un peu plus tard : « Elle est belle », nous déclare-t-elle. Balayant notre effroi face à la mort qui s’est invitée là où nous l’attendions le moins, nous choisissons de la voir. Nous sommes heureux d’avoir pris cette décision et de lui avoir attribué son prénom, Jeanne. Cette brève rencontre avec notre bébé au doux visage, notre bébé de rêve, est gravée en nous pour toujours.

Le cerveau et le corps en mode survie

Dans la chambre du service de maternité où je suis gardée en observation pendant deux jours, je suis épuisée et je peine à réaliser complètement ce qui vient de se passer. Mes proches ont accouru à mon chevet et sont effondrés. J’ai la sensation d’être dans un fonctionnement de survie. Je rassure mon entourage et échange beaucoup avec mon conjoint et l’équipe de suite de couches. La nuit, je me mets à écrire, mon cerveau semble me lancer des bouées de sauvetage et me dicter ce qu’il va falloir que j’entreprenne pour me relever. La parole et l’écrit s’imposent déjà comme des exutoires.

LA VIE D’APRÈS

Intégrer la réalité

De retour chez moi, les bras vides, il me fallait à présent faire face à la cruelle réalité. Le monde que j’avais construit s’était écroulé. J’étais sonnée, éreintée par ces émotions extrêmes et la violence des faits. Mon esprit fonctionnait à plein régime, me laissant peu de temps de sommeil et de répit. Je revivais les évènements en boucle, essayant de comprendre comment et pourquoi tout cela avait pu se reproduire. Chaque matin, le réveil était une torture avec la reprise en pleine conscience de la réalité. La mort de Jeanne était bien réelle, il ne s’agissait malheureusement pas d’un cauchemar.

Les montagnes russes émotionnelles

Avec les questionnements viennent aussi l’inévitable valse des sentiments complexes propres aux êtres humains : colère, culpabilité, tristesse immense, désespoir… Je me suis découverte dans des émotions extrêmes, face à une douleur que je ne pensais jamais vivre. Mon corps lui aussi exprimait la souffrance. Le vide provoqué par la mort de notre bébé me paraissait effroyable. Progressivement, je réalisais que j’allais devoir composer avec ce manque. Je luttais avec moi-même, faisant face souvent, m’écroulant parfois.

Le soutien de mon conjoint et de mon fils

Si mon conjoint a lui aussi été très affecté, il est parvenu plus rapidement à réintégrer son existence. Sa solidité et ses paroles toujours justes m’ont été d’un grand secours. Il a assumé énormément de choses dans les premiers temps : démarches administratives, logistique avec notre fils à l’école… Il a été moteur pour organiser nos vacances à trois pendant l’année, des moments qui nous ont permis de nous retrouver et d’imprimer de jolies images en nous malgré la tempête que nous traversions.
Sans qu’il le sache, notre petit garçon m’a aidé à garder un pied dans le présent. Nous ne lui avons rien caché, nous lui avons expliqué les choses avec des mots à sa portée. Je me suis beaucoup questionnée sur l’impact qu’une telle histoire pourrait avoir sur lui. Aujourd’hui, je suis rassurée de voir qu’il a gardé sa joie de vivre et son humour.  Sa capacité d’enfant à être pleinement dans l’instant présent m’a beaucoup inspirée.

Le rôle de l’entourage

Nos proches ont été éprouvés et choqués par notre drame. Leur présence protectrice et attentive a su réchauffer nos cœurs. Mes parents et ma sœur m’ont entouré de leur amour, comme ils le font depuis toujours. Nos amis nous ont porté et ont continué à nous apporter de la légèreté, à nous faire rire, alors que nous en avions tellement besoin.
À l’inverse, certaines relations se sont distendues. Une telle épreuve ne laisse plus de place à l’à peu près. Il faut aussi savoir se protéger et se tourner vers des personnes positives.
Le deuil périnatal est un sujet tabou, intime, peu de gens osent en parler. Certains de mes collègues et connaissances sont restés muets devant notre épreuve.
Les vrais soutiens sont précieux et sont nécessaires dans la durée. L’une de mes proches amies a été particulièrement à l’écoute et a su trouver les mots pour me consoler, toujours doux et parfois teintés d’une touche de spiritualité. Elle est pour moi l’un des piliers de ma reconstruction.  

Le suivi psychologique

Dès la sortie de la maternité, nous avons pris contact avec la psychologue du réseau de périnatalité. Nos rendez-vous réguliers, au départ en couple, puis en individuel pour moi, ont permis de nous décharger des émotions si vives qui nous habitaient. Le fait d’être accompagnés par une professionnelle aguerrie au deuil périnatal nous a rassurés. Les échanges ont notamment apaisé le sentiment  de culpabilité.
Immédiatement après le mort de Jeanne, je me suis beaucoup documentée sur le deuil, à travers des sites et ouvrages. J’avais besoin de comprendre et d’anticiper les phases par lesquelles j’allais passer, sans doute pour moins me laisser surprendre et me rassurer sur ma « normalité ».
De même, je me suis  tournée vers des témoignages de parents qui avaient connu la perte d’un enfant. Je suis aussi en contact numérique et physique avec quelques mamans, nos vécus communs nous rapprochant et nous permettant d’être pleinement comprises.

Un deuil en évolution

Alors que près d’une année s’est écoulée depuis la mort de Jeanne, je mesure le chemin parcouru. Je suis passée par différentes phases, de la résistance au désespoir le plus total. J’ai vécu des hauts et des bas et c’est finalement plusieurs mois après les évènements que j’ai connu la période la plus sombre, alors que les fêtes de Noël approchaient et me rappelaient cruellement l’absence. Même si elle est terrifiante, il fallait que je passe par cette étape pour intégrer complètement la perte. Ce n’est qu’après que j’ai pu reprendre la voie de l’apaisement.

Une transformation

La mort d’un bébé, d’un enfant, nous change à jamais. La vie ne sera et ne pourra plus jamais être celle d’avant. Cette légèreté que le destin nous a volé modifie notre regard sur le monde. Nous ne pouvons plus nous mentir, elle nous pousse à revoir nos priorités. Car le temps du deuil est aussi celui de l’introspection. Ce cheminement avant tout solitaire nous met face à nous-même, nous confronte à nos choix et peut être source de profonds bouleversements.

Et l’avenir en ligne de mire !

Une nécessité de changement, de renouveau s’est très vite dessinée de mon côté. J’avais besoin d’imaginer un avenir dans lequel me réaliser davantage, de me recentrer sur mes réelles aspirations. Quand on sait à quel point la vie est fragile et que tout peut basculer du jour au lendemain, on envisage son existence autrement.
Aujourd’hui, je m’investis dans de nouveaux projets, à mon rythme et en continuant à prendre soin de moi car je sais que l’équilibre est encore fragile. Pas à pas, j’avance, avec ma petite étoile logée pour l’éternité dans mon cœur.

Claire A.

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5 Commentaires

Charlene

29 Oct, 2020 à 13h48
Cela fait 5 ans pour nous... J aurai pu écrire ce texte tellement il décrit avec exactitude ce par quoi nous sommes passés... L'introspection... c'est le mot juste !

Vanessa

09 Oct, 2019 à 22h16
J'ai traversé moi aussi cette épreuve il y a un an et demi. C'est vrai que je ne suis plus la même, et qu"il n'y a plus de place pour l'a peu près. Ma spiritualité a grandi, ma conscience aussi. Je me dirige vers ce qui me tient vraiment à coeur. Amitiés et soutien

Mieux traverser le deuil

23 Sep, 2019 à 10h27
Partager sa douleur avec des personnes qui vivent la même chose qu’elle pourra beaucoup aider votre amie. Vous pouvez l’inviter à contacter un groupe de parole d'une association près de chez elle qui accompagne les parents vivant un deuil périnatal : https://mieux-traverser-le-deuil.fr/se-faire-aider/les-associations-qui-accompagnent-le-deuil-perinatal/ Vous pouvez aussi lui proposer de s’inscrire au groupe Facebook Mieux traverser le deuil (groupe privé), elle trouvera dans ce cocon bienveillant beaucoup de soutien et de réconfort : https://www.facebook.com/groups/546189225912470 Enfin, la lecture de ce témoignage pourra également l’aider : https://mieux-traverser-le-deuil.fr/vivre-un-deuil-perinatal/ Merci de prendre soin de votre amie comme vous le faites, votre aide lui sera très précieuse.

Bu

20 Sep, 2019 à 16h28
Une amie vient de perdre sont bébé. Je ne sais pas quoi faire pour l aider .. je ne veut pas qu elle se sente abandonné.. mais je ne veut pas non plus etre trop sur elle ... a la contacter sans cesse . Je ne veut pas lui dire des chose qui pourrait etre indiscrètes.. rien de fera revenir sont bebe . Alors que faire face a sa peine . Je sui perdu . Son histoire me prend ai tripes mais je ne sais pas comment la soutenir

Emma

04 Juil, 2019 à 20h11
Mon dieu...comme je vous comprends. Je me retrouve pleinement à travers votre témoignage. Pour nous, cela nous a frappé de plein fouet en novembre dernier... je pense bien à vous. Amitiés.



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