Phase 4 du deuil : la restructuration - Mieux traverser le deuil

Phase 4 du deuil : la restructuration

17 mai 2019 Image Phase 4 du deuil : la restructuration

Cette dernière phase a bien souvent déjà commencé pendant les phases précédentes(1). Telles des plaques tectoniques, les phases se superposent les unes aux autres. C’est encore plus vrai pour les phases 3 et 4 : pendant que des niveaux de la personne endeuillée sont en déstructuration d’autres niveaux débutent une phase de restructuration.

À cette étape, la personne endeuillée n’aurait jamais imaginé que le processus de deuil soit aussi long. Et si intensément douloureux. Pour certains ce chemin aura pris des années. Cela représente beaucoup de temps et d’énergie.

Le retour à la vie

Des mois, des années après le décès, l’entourage peut penser que tout est fini, que la page est tournée depuis longtemps. Loin de là. La cicatrice reste toujours présente après le travail de deuil accompli. Le manque de l’être aimé se fera toujours ressentir, et cela est normal. Des émotions, des souffrances et des nostalgies pourront ressurgir dans des situations qui rappellent l’être cher. Le ressenti peut être vif et poignant mais il ne sera plus aussi dévastateur que par le passé. Car la personne endeuillée a établi une relation avec la personne disparue, un lien intérieur qui les relie à chaque instant.

Peu à peu, elle va entrevoir la possibilité de reprendre pied dans une existence à jamais modifiée. Bien qu’elle soit épuisée, elle sent émerger en elle une force qui tend à la remettre doucement dans le courant de vie. Ce mouvement inconscient est induit de façon naturelle par le processus de cicatrisation.

Des résistances transitoires

Plusieurs résistances intérieures peuvent apparaître au moment d’envisager un retour à la vie. Elle peut ressentir le « sentiment de culpabilité du survivant », elle qui pensait ne pas arriver à survivre à l’être disparu : « Comment pourrais-je souhaiter vivre alors qu’il n’est plus ? ». Elle peut aussi penser : « Quitter le deuil, n’est-ce pas trahir la mémoire de l’être disparu ? », « Ne vais-je pas perdre le lien avec lui si je quitte ma souffrance ? »… À ces interrogations s’ajoute la peur de l’inconnu. Aller vers l’avenir c’est sortir du cadre du deuil dans lequel on a ses repères, ses habitudes depuis des mois, des années.

Une métamorphose intérieure et extérieure

Au fil de ses oscillations émotionnelles, avec des pas en avant, des retours en arrière, la reconstruction œuvre dans toutes les strates de l’existence de la personne endeuillée. Des ajustements successifs ont lieu, qui mènent à de profonds remaniements dans la relation à soi, la relation à autrui et au monde, et la relation au défunt.

Changement des rôles dans la famille

La disparition de l’être aimé a déconstruit une structure familiale où chacun avait sa place. Comment redéfinir les rôles de chacun ? Il s’agit d’être vigilant à ce que l’un des membres de la famille ne prenne pas le rôle du père ou de la mère disparue au détriment de ses propres besoins (d’enfant, d’adolescent…). Il y a aura sans doute nécessité d’acquérir de nouvelles compétences pour gérer le patrimoine, s’occuper des enfants, avoir une activité professionnelle… Enfin, vient le temps de prendre une place à part entière dans la société, par soi-même. Et non plus en tant qu’épouse, mère, père du défunt…

Les premières retrouvailles avec autrui

Reprendre pied dans une vie sociale et amicale va demander beaucoup de courage et d’énergie. Il faudra faire face aux questions des uns, aux regards curieux des autres, revoir des personnes qu’on ne voyait plus depuis longtemps, notamment celles qui ne se sont jamais manifestées pendant le deuil… Il y aura sans doute un certain malaise dans les premières retrouvailles. Alors que d’autres rencontres seront plus faciles et agréables, en particulier avec les personnes qui ont soutenu avec constance la personne endeuillée.

Une vision de la vie modifiée

Dans tous ces moments, la personne endeuillée est amenée à exprimer sa nouvelle vision de la vie. Aura-t-elle le goût de s’ouvrir aux couleurs, aux saveurs et aux imprévus de l’existence ? Évitera-t-elle d’entrer en contact avec un monde qu’elle juge dur et inquiétant ? Choisira-t-elle se recroqueviller dans une existence restreinte, comme étouffée ? Ou aura-t-elle envie de le redécouvrir, de s’y réinvestir ?

Prendre une nouvelle place

La confrontation avec l’indifférence et l’insensibilité d’autrui peut être rude. Comme peut l’être le constat de l’impermanence de sa propre existence, de la légèreté de l’empreinte que l’on laisse dans ce monde. La personne endeuillée comprend que la vie a continué sans elle, à grande vitesse, chacun étant affairé à mener au mieux son existence.

Les cartes ont été rebattues, le jeu de la vie n’est plus le même. Cela peut être l’opportunité de jouer un nouveau rôle, de prendre une nouvelle place. L’espace intérieur devient alors le lieu d’une nouvelle naissance, le creuset alchimique d’une profonde transformation.

Une nouvelle relation avec soi-même

Le travail du deuil refond, jour après jour, toutes les idées que l’on avait sur soi, la vie, la mort, le sens de son existence, les priorités que l’on se donnait. On porte sur soi un regard lucide et sans concession. Quel amour ai-je pour moi ? Et pour autrui ? Qui suis-je vraiment ? Vais-je me traiter dorénavant avec respect et tolérance ? Vais-je prendre soin de moi ? Vais-je laisser la culpabilité et la colère m’enfermer dans une boucle d’amertume et de mépris ? Quel sens vais-je donner à ma vie ?

Un changement de priorités

Plusieurs choix sont possibles après avoir vécu l’expérience du deuil : s’ouvrir à la vie en confiance ou se renfermer sur soi, avec le risque d’une reconstruction disharmonieuse.

Pendant sa douloureuse traversée la personne endeuillée a découvert des ressources intérieures insoupçonnées. Elle peut en retirer une grande force, une grande confiance, une nouvelle vision de la vie. Cela l’amène à relativiser nombre d’événements et à redistribuer ses priorités : privilégier l’instant présent, vivre de façon plus authentique, avec douceur, s’immerger dans le silence, la nature, la musique, prioriser l’être plutôt que le faire et le paraître, apprécier ce que l’on a…

Intégrer l’absence de l’être aimé

En regardant le chemin parcouru, la personne en deuil peut constater avec gratitude l’immense puissance de guérison du processus de deuil qui l’a portée jusqu’à aujourd’hui. Dans son cœur elle peut remercier la vie d’être parvenue à se reconstruire alors que cela lui semblait totalement impossible. Ne plus lutter contre la disparition de l’être aimé, intégrer son absence dans son existence : elle sait qu’en franchissant cette ultime étape, elle laisse derrière elle le plus gros du deuil.                                                  

Une nouvelle relation avec le défunt

La construction d’un lien intérieur avec le défunt est le signe manifeste d’un travail de deuil bien accompli. Pour la continuité harmonieuse du deuil, il est important de regarder l’être disparu avec une certaine objectivité, sans l’idéaliser. Voir ses défauts et ses qualités. Il est tout-à-fait possible qu’apparaissent des mouvements d’identification aux comportements ou habitudes du défunt. C’est une façon de maintenir un lien avec lui.

La date anniversaire du décès et toute autre date en rapport avec la personne disparue sont des moments particuliers qui peuvent réactiver une profonde tristesse. Cela est normal. Des gestes de soutien, des signes d’attention seront précieux pour accompagner la personne endeuillée lors de ces périodes anniversaire.

Ouvrir les nouveaux chapitres de sa vie

De nombreux autres événements peuvent faire ressurgir de façon plus ou moins atténuée la douleur du deuil : parvenir au même âge de la personne disparue, entendre une chanson qu’il aimait… Il s’agit du phénomène de correspondance.

Parler à l’être disparu comme s’il était là, mener à bien un projet qui lui tenait à cœur, le solliciter pour des décisions importantes… Tout cela participe à un dialogue intérieur harmonieux avec lui. Avec la liberté d’ouvrir de nouveaux chapitres de sa vie sans lui.

(1) La restructuration peut commencer avant le décès lorsqu’il y a un accompagnement de fin de vie. Les deux proches peuvent se préparer à leur prochaine séparation et envisager ensemble l’avenir de la personne endeuillée.

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13 Commentaires

Christine Lielens

04 Mar, 2023 à 19h07
Bonjour à tous. J ai perdu mon fils chéri à 28ans d un cancer. On s est battus pendant 4 ans! Il est mort dans mes bras, j étais seule avec lui. C était le 2 octobre 2021. Je ne l ai jamais quitté durant ces 4 années ( et on ne s est jamais quittés avant). Étant infirmière, je l ai soigné nuit et jour. Puis plus rien, le néant. J ai failli mourir de dénutrition 10 mois après. J ai dû être hospitalisée 1 mois. Comment survivre à un tel cataclysme ?. Eh bien, depuis 2 petits mois, je me reconstruis, tout à fait autrement. Moi qui n ai jamais été à l église, j y vais au moins tous les dimanches. Comme j ai été accueillie chaleureusement par la communauté ! Puis je me suis mise à étudier le bouddhisme, la méditation. Et enfin je me suis inscrite à un cours de yoga 1x/semaine. Et j ai l impression de revivre, autrement qu autrefois. Je pense différemment. Je m accueillie telle que je suis maintenant. J ai réussi même à mettre une photo de mon fiston chéri au mur, près de la porte et chaque fois que je sors ou que je rentre, je lui fait signe. Comme quoi je vous assure, ne désespérez pas. Il faut beaucoup de patience, de souffrances, mais il y a moyen d y arriver. Bien sûr, je suis sous antidépresseurs et somnifères conseillés par mon psychiatre que je connais depuis longtemps. Mais au moins, je suis bien. Avec évidemment parfois une chute profonde et douloureuse, mais je pense qu il faut adopter ces moments très durs, les accepter. Courage à nous tous! Bien affectueusement.

une maman dé-enfanté

10 Août, 2022 à 12h28
Bonjour à tous, Oui, je vais répondre à Viviane, moi cela fait bientôt 4 ans que j'ai perdu brutalement ma fille, et je suis tout comme elle: c'est à dire Je vis avec elle, le monde ne m'intéresse plus. Ce n'est plus mon monde, je ne suis plus actrice de ma vie, juste une figurante désormais.

Josée Gauthier

08 Mai, 2022 à 05h26
Merci de tout ? de votre aide si précieuse. Vous savez accompagner et rassurer les personnes endeuillées avec des explications claires et appropriées à chaque étape. Deux ans après le décès de mon compagnon de vie de 31 ans de complicité, j’en suis à la phase de restructuration avec de passagères périodes de plus grande tristesse ou de manque de lui et de nous. Une certaine sérénité fait toutefois dorénavant partie de mon quotidien. Le livre de Christophe Fauré, Vivre le deuil un jour à la fois, votre site et le forum sur Facebook m’ont été d’un grand secours dans mon cheminement. Je vous en suis profondément reconnaissante. Josée Gauthier, Chambly, Québec

Wanrooij Cees

12 Déc, 2021 à 18h21
J'ai perdu ma fille de presque 7 ans suite à un accident cérébral rapide et brutal. J'ai lu plusieurs articles et cela me fait du bien. J'habite au Burkina Faso loin de ma famille en France qui a cause du COVID ne peuvent pas venir. Il n'y a non plus ici des psychologues qu'on me conseille a partir de l'Europe. L'absence est insupportable je dois reprendre le travail car ya pas de sécurité sociale ni allocations. Je n'y arrive pas je suis complètement vidé. Et je n'arrive à rien faire où je ne vois pas de sens a essayer même. Comment surmonter ça plus vite? Je ne peux me permettre que ça dure aussi longtemps que décrit dans les articles

Virginie H.

08 Fév, 2021 à 07h03
Bonjour, Le site est très bien fait. Les thèmes sont très instructifs et peuvent bien préparer quelqu'un qui a commencé un deuil d'un proche. C'est mon cas. Je mets votre page dans mes favoris, pour pouvoir y revenir régulièrement.

Abcd

02 Mai, 2020 à 21h40
Bonsoir, cela fait deux ans et demi que mon conjoint nous a quitté , il me manque, aujourd'hui j'ai toujours de la peine, je sais que je ne pourrai jamais le quitter il restera en moi, j'ai ma blessure dans mon cœur qui es douloureuse,je vous souhaite un bon courage

mimi

22 Avr, 2020 à 08h27
bonjour,je viens de lire, je suis en deuil depuis deux ans et demil de mon conjoint, encore aujourd'hui c'est dure, mais plus supportable, il me manques, je pense que cette blessure restera, il était tout, enfin c'est comme ça ,c'est la vie.je l'aimais, je l'aime, et je l'aimerai toujours merci

Marianne

18 Oct, 2019 à 08h10
Très constructif vos 4 phases sur le deuil je m’y retrouve totalement. Ceux qui n’ont pas vécu ce drame devraient pour mieux comprendre ceux qui l’ont vécu lire ces articles s’en inspirer avant de porter jugement souvent infondé sur notre comportement dû à la perte de l’etre cher. On ne fait pas ce que l’on veut on fait ce que l’on peut.

rouchouze

13 Oct, 2019 à 15h39
Cela va faire 3 ans que j'ai perdu ma fille. Je viens de lir e les 4 phases du deuil et merci pour ces écrits, ils m'on permis enfin de comprendre et de mettre des mots sur ce que j 'ai vécu et ce que je vis au plus profond de moi. Et aussi de me dire que c'était normale.

Mieux traverser le deuil

07 Août, 2019 à 12h06
Viviane, Après la perte d'un enfant ou d'un adolescent, le temps peut être très long avant de reprendre goût à la vie. Sans doute cela commence-t-il dans les petites choses que l'on reprend plaisir à vivre : une promenade dans la nature, un échange avec un(e) ami(e), une caresse à son animal de compagnie... Prenez soin de vous. Vous pourriez trouver un peu de paix et de repos dans la lecture des articles Prendre soin de vous, Écouter et soigner votre corps, Équilibrer votre alimentation, La respiration source apaisement, Consulter un thérapeute ?, Les quatre tâches du travail de deuil... N'hésitez pas à rejoindre notre groupe facebook privé : https://www.facebook.com/groups/546189225912470/ vous y trouverez une écoute authentique, vous pourrez y partager votre peine en confiance et recevoir une grande aide de la part de la communauté. Avec tout notre soutien.

Rocchia Sbine

19 Juil, 2019 à 07h40
J'ai accompagné mon mari pendant 3 ans et demi le temps de sa maladie. Nous avions discuté de ses directives anticipées et d'un non acharnement thérapeutique. Lors de son départ ma douleur fut vive. Mais 2 mois après je me sens sereine et j'ai avec mon mari une relation bienveillante. Je sais qu'il est prêt de moi. Parfois le chagrin refait surface et je l'accepte. En lisant cet article cela m'a rassuré et je me suis aperçu que notre deuil avait commencé en même temps que la mise en place de ses directives anticipées. Je vous en remercie.

Viviane

18 Juil, 2019 à 22h55
Cela fait 20 ans que j'ai perdu mon fils de 17 ans et je ne m'en remettrais pas. Pas un jour sans que je pense à lui, je l'aime tellement, ma vie a été anéantie mais je préfère entretenir ma souffrance elle me relie à lui, comment peut on passer à autre chose quand on a perdu un jeune de 17 ans ? Je vis avec lui, le monde ne m'intéresse plus

Paulette Vezina

18 Juil, 2019 à 18h03
Je viens de lire la phase 4 du deuil. ( la restructuration) et je me reconnaît dans ce texte. Merci j’ai eu beaucoup de réponses qui vont m’aider à cheminer.?



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