Phase 3 du deuil : la déstructuration
Six à dix mois après le décès, voire un an et demi s’il s’agit d’un deuil traumatique, la personne endeuillée comprend le caractère irréversible de la disparition de l’être aimé. Les liens extérieurs avec lui ont été définitivement rompus et les liens intérieurs ne sont pas encore constitués. Le vide apparaît dans toute sa violence, le sentiment de solitude est immense. C’est à cette troisième étape que la douleur peut être paroxystique. Tous les mécanismes de protection et de défense ont disparu les uns après les autres laissant émerger les émotions dans toute leur intensité. Les curseurs sont au maximum, le manque, la douleur, l’absence sont vécus dans leur pleine puissance.
L’apparente aggravation est une étape nécessaire
La personne endeuillée peut être désespérée par cette recrudescence d’intensité qui surgit bien longtemps après le décès. Ne verra-t-elle jamais la fin de cette souffrance abyssale ? Est-elle en train de revenir en arrière ? De devenir folle ? Cette période est extrêmement difficile à traverser. Les appuis extérieurs et intérieurs semblent inutiles, tout effort semble vain… Elle n’a plus de repères, se sent vide de structure. La douleur s’insinue dans la personne en deuil avec une intensité désespérante. Les hauts et les bas peuvent être beaucoup plus vertigineux que dans les premiers mois du deuil.
Pourtant, en dépit de ce que l’on pourrait penser, cette étape est tout-à-fait normale et prévisible. L’aggravation apparente du deuil signe paradoxalement la bonne progression du processus de cicatrisation. Cette traversée est incontournable.
Tenir bon et garder confiance
Cette troisième étape dure longtemps (au minimum un an, souvent plusieurs années). Soit au minimum jusqu’à deux ans après le décès. C’est véritablement l’étape la plus douloureuse du deuil. C’est une longue période au cours de laquelle la personne endeuillée peut penser qu’elle n’arrivera jamais à sortir de cette douleur profonde. Qu’elle sera à vie dans ce tunnel de larmes. Mais il n’en n’est rien ! Elle est convaincue de ne jamais pouvoir reprendre le cours de sa vie. Qu’elle garde confiance ! Il arrivera un moment où la douleur sera apaisée, où l’ouragan sera enfin derrière elle. Cela surgira en elle comme une évidence. Il faut qu’elle tienne bon malgré tous les signes contraires. La sortie du tunnel est inéluctable. Des millions de personnes l’ont vécu et le vivront.
Le vécu dépressif intensifie les émotions
La dominante émotionnelle de la phase de déstructuration est le vécu dépressif (à différencier de la dépression clinique). Il accentue l’intensité des émotions qui prennent d’assaut la personne en deuil : la peur, la culpabilité, la colère, la dépresssion, la révolte, l’irritabilité, le sentiment d’injustice… Le vécu dépressif peut durer des mois, un an voire deux, avec des moments de répit, de respiration. Pendant cette période, il est essentiel de garder en mémoire que le processus de cicatrisation est en cours, qu’il œuvre lentement et avec intelligence.
Identifier les signes d’alerte
Il importe de faire la différence entre vécu dépressif et dépression clinique, ils peuvent en effet être confondus et donner lieu à des diagnostics et des prescriptions médicamenteuses non adaptés. Il n’est pas aisé de les distinguer, la dépression étant une complication du vécu dépressif. Pour approfondir ce sujet, nous vous invitons à lire notre article La différence entre vécu dépressif et dépression clinique.
Avoir connaissance de leurs symptômes respectifs est essentiel pour repérer les signes de la dépression. La souffrance du manque est telle qu’une personne endeuillée peut avoir des idées suicidaires. Si ces signes sont maintenus avec une implication active de la personne en deuil, il y a nécessité de lui conseiller d’aller voir un médecin. Sans délai.
Un visage différent dans la solitude
Pendant la troisième phase du deuil, les messages envoyés par les proches se sont nettement espacés. La souffrance de la personne endeuillée est plus intériorisée, elle est moins publique. Elle n’en n’est pas moins présente. L’entourage peut penser à tort qu’il est morbide de maintenir ses pensées tournées vers le défunt. Aussi la personne en deuil préfère-t-elle se taire, pour ne pas lasser, ne pas déranger… En apparence elle semble relativement calme et paisible, mais en elle tout s’effondre, ses fondations intérieures se lézardent. Seule chez elle, elle est en pleurs, démunie, au bord du gouffre.
Un deuil unique pour chaque personne
Dans son ensemble, la troisième phase est profondément déstabilisante. Les émotions ravivent des souffrances anciennes de la personne en deuil liées à la séparation, la perte ou la rupture. Tous les acquis de son expérience individuelle se mobilisent pour modeler le cours du processus de deuil. Pour chaque personne, le vécu du deuil sera unique en fonction de son histoire personnelle.
Quelques durées moyennes en repère
Christophe Fauré a établi, avec beaucoup de précaution, les repères d’une durée moyenne du pic d’intensité du deuil selon la personne disparue. Cela pourrait être deux ans à deux ans et demi quand on a perdu un conjoint ; quatre à cinq ans quand il s’agit d’un enfant ; un an à un an et demi pour la perte d’un parent. L’intensité extrême du vécu n’est bien sûr pas continue, elle connaît des fluctuations, des moments d’accalmie. Il s’agit de moyennes, les fourchettes de temps peuvent varier d’une personne à l’autre. Au-delà de ces durées de temps, la douleur est moins écrasante, la cicatrisation continue son œuvre.
Quand le goût de vivre revient
Petit à petit, les premières pensées tournées vers l’avenir apparaissent. La douleur dessert sa terrible étreinte, la personne en deuil commence à penser qu’il est possible de continuer à vivre. Malgré tout, même si rien ne sera jamais comme avant. Cela manifeste que la phase de restructuration a commencé.
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Maryse
22 Juin, 2023 à 18h12