Phase 1 du deuil : le choc et la sidération
L’être aimé a disparu. Tout est terminé. La personne endeuillée ne peut le croire. C’est la première étape du deuil : celle du choc, de l’incrédulité, du déni.
La personne en deuil est incrédule, « ce n’est pas possible » crie-t-elle face à l’évidence qu’elle refuse. Intellectuellement, elle sait que la personne est décédée mais elle ne peut viscéralement intégrer cette réalité. Il lui est impossible de concevoir que cet événement soit survenu. Ce déni de réalité peut être massif, il peut dérouter par son intensité et le décalage qu’il produit. Il n’y a pas lieu de s’en inquiéter, ce vécu intérieur d’irréalité n’a rien d’anormal. Il va s’estomper progressivement avec le temps.
Un mécanisme de protection
Cette étape du déni est une façon de se protéger contre l’énormité de ce qui vient de se passer. Une partie de soi-même se mobilise pour préserver sa conscience de la violence d’une trop grande douleur. Ce mécanisme de protection psychique se met naturellement en place pour permettre d’intégrer le premier niveau de deuil : reconnaître qu’on a perdu quelqu’un qu’on aimait.
Bien que l’abattement et la tristesse soient présents, la personne endeuillée peut s’étonner de constater l’absence d’émotions intenses, comme si elle était dans une anesthésie affective. Qu’elle ne se condamne pas pour ce manque apparent de sentiment. Il ne s’agit pas d’indifférence mais d’une mise à distance par son inconscient afin qu’elle puisse entrer à son propre rythme dans le processus de deuil.
Les rituels sont une aide
La vision du corps est l’une des conditions cruciales (mais non absolue) pour reconnaître et intégrer la perte de l’être aimé. Voir le corps sans vie permet de comprendre la réalité des liens coupés à jamais. C’est une étape décisive pour commencer le travail du deuil.
Si la personne en deuil n’a pas la possibilité de voir le corps, elle peut préparer un rituel pour commémorer la personne disparue. Dans tous les cas, qu’elle soit rassurée, le processus de deuil se déroulera, qu’elle puisse ou non voir le corps.
Le sens de son existence
Les rituels d’autrefois contribuaient à la lente prise de conscience du décès. Lors de la veillée des morts, il était possible d’être en présence du défunt pendant au moins vingt-quatre heures. Cela permettait d’affronter la souffrance psychologique de la perte, et de vivre des moments de recueillement, de repos et de prière.
Les rituels sont des portes pour aller profondément en soi, regarder sa propre mortalité et s’interroger sur le sens de son existence. Ce que la douleur creuse en soi est aussi une brèche pour aller dans la verticalité de son être, dans sa dimension spirituelle.
Être connecté à une communauté
Les rituels qui suivent le décès (cérémonies, faire-part, réunions de famille, remerciements…) ont une double portée : sociale et psychologique. Sociale parce que ce sont des moments où le réseau familial et amical se rassemble autour de la personne endeuillée et où elle-même prend sa place en tant que personne ayant perdu un proche. Il est très bénéfique pour elle de se sentir connectée à une communauté. Celle-ci constitue un cadre extérieur sécurisant, un garde-fou précieux pour les moments où elle aura l’impression de disjoncter.
Ces rituels ont également un impact psychologique, parce qu’être reconnue comme une personne endeuillée par son entourage, lui permet d’exprimer librement ses pleurs, sa colère, sa dépression…
Une période d’agitation
Après les obsèques, le décès entre dans le domaine public. La personne endeuillée est alors happée par tout ce qu’il y a à organiser. S’occuper de l’enterrement ou de la crémation, préparer la cérémonie, choisir un cercueil, téléphoner, envoyer les faire-part de décès, écrire aux administrations… C’est un temps de convenances mais aussi de paroles vraies, de messages sincères et amicaux. Les nombreuses contingences et sollicitations extérieures vont mobiliser toute l’attention et l’énergie de la personne en deuil. La douleur est mise à distance pendant que se déploie cette hyperactivité.
Une énergie qui revient vers soi
Puis vient le temps où la personne en deuil est confrontée à l’absence. N’ayant plus d’échanges de paroles, de pensées, d’actions avec l’être disparu, elle se retrouve avec une énergie dont elle ne sait que faire. Progressivement, au fil des mois, voire des années, toute l’énergie qui était auparavant tournée vers l’être aimé revient vers elle-même. C’est ce que l’on appelle le « désinvestissement libidinal[1] ». Ce mouvement de retour à soi marque la première réelle confrontation à la perte.
Ce qu’est vraiment l’absence
Heure après heure, jour après jour, semaine après semaine, elle commence à réaliser ce que signifie véritablement l’« absence » de l’être cher. De retour dans la maison silencieuse, devant un fauteuil vide, les jouets de son enfant, un lit devenu trop grand… Elle sent croître en elle une douleur insidieuse et violente qui s’empare de tout son être. Celle-ci peut soudainement déferler en un flot dans lequel elle a peur de se perdre tellement elle souffre. Tous ses repères explosent. Des idées suicidaires peuvent traverser son esprit tant la douleur lui semble insupportable. Son entourage ne semble pas comprendre l’intensité de ce qui se passe en elle.
Exprimer ses émotions
Elle plonge alors dans la solitude de sa propre douleur. Rien ne semble soulager cette souffrance pesante qui broie toutes les fibres de son être. Une incroyable pression physique et psychologique étreint son cœur et son esprit. Des sanglots irrépressibles peuvent surgir à tout moment, n’importe où. Perd-elle la tête ? Non, ce comportement est tout-à-fait normal et prévisible. Il est même recommandé de ne pas le censurer et de laisser libre cours aux émotions. Cela participe d’une saine régulation. Il est très important d’évacuer toute surcharge émotionnelle. Oublier l’objectif de vouloir contrôler son émotion. C’est une contrainte héritée de l’éducation, qui n’a pas sa place ici dans ce que la personne en deuil vit. Contenir les émotions ne fait qu’augmenter la pression intérieure. Dans ce cas, le corps devient le relais explicite de la surcharge avec des céphalées très douloureuses, des contractures musculaires, des crampes d’estomac, des nausées…
Une traversée d’un mois
La première phase du deuil a une durée qui varie de quelques heures à trois semaines, un mois au plus. Cette durée peut être beaucoup plus longue s’il s’agit d’un deuil traumatique. En dehors de cette circonstance particulière, si l’étape de sidération ou de déni complet de la réalité dépasse un mois, cela signifie que le deuil est bloqué quelque part. C’est extrêmement rare, mais si cela devait arriver, nous conseillons à la personne endeuillée de bénéficier d’une aide psychologique afin de permettre à son deuil de reprendre un cours normal.
À la fin de cette première étape, la personne en deuil continue encore d’espérer un possible retour de l’être aimé. Elle va le rechercher partout et elle peut être tentée de fuir ce qui émerge en elle. Ces signes sont précurseurs de la deuxième phase Fuite et recherche du processus de deuil, que nous vous invitons à découvrir.
À lire aussi :
- Les 4 phases du processus de deuil
- Qu’est-ce que le deuil ?
- Phase 2 du deuil : Fuite et recherche
- Phase 3 du deuil : Déstructuration
- Phase 4 du deuil : Restructuration
[1] De libido, subst. fém. En psychanalyse freudienne : énergie psychique vitale ayant sa source dans la sexualité au sens large, c’est-à-dire incluant génitalité et amour en général (de soi, des autres, des objets, des idées).
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