La culpabilité
Le sentiment de culpabilité est indissociable du travail de deuil. Ce ressenti douloureux peut tourmenter jusqu’à l’obsession la personne endeuillée. Des regrets poignants étreignent son cœur car elle sait qu’il n’est plus possible de modifier certains vécus partagés avec l’être disparu.
Une liste de reproches sans fin
Lorsqu’elle considère en boucle les événements du passé, la liste de reproches qu’elle se fait à elle-même est sans fin. Elle se sent coupable de ce qu’elle a dit, pensé ou fait… ou de ce qu’elle n’a pas dit, pensé ou fait. Si seulement j’avais su voir les signes… Je me suis mal comporté(e) avec elle(lui)… Je n’étais pas assez attentif(ve)… J’aurais dû lui répondre au téléphone… J’aurais dû insister pour sa ceinture de sécurité… Je ne mérite pas d’être toujours vivant(e) … Et dire que je n’ai pu assister à ses derniers moments…
Une personne en deuil peut aussi se sentir coupable du soulagement qu’elle ressent après la disparition de l’être aimé. Lui qui vivait dans un tel chaos et une telle violence, avec des comportements si autodestructeurs… Ce sentiment est à regarder, sans se condamner.
Qui dit faute dit punition
La personne endeuillée revisite le moindre de ses actes et de ses pensées, tout est soupesé à l’aune de sa culpabilité. Elle se reproche l’impossible car nul ne saurait être parfait, mais c’est plus fort qu’elle. Un doute terrible s’insinue dans tout son être : la mort aurait-elle pu être évitée si je m’étais comporté(e) différemment ? Cette pensée la taraude douloureusement pendant des jours, des semaines, des mois…
Cela est particulièrement vrai quand il s’agit d’un deuil après suicide. Dans cette circonstance, les proches ressentent une immense culpabilité qu’il faudra patiemment délier et apaiser grâce à une aide spécifique et plurielle, sur le long cours.
Elle peut avoir l’intime conviction d’être fautive et se punir de toutes les façons (sans qu’elle en soit consciente) pour les manquements qu’elle estime avoir commis. Cela peut se traduire par l’interdiction de tout plaisir de vivre ou des comportements d’autosabotage dans différents champs de son existence.
Une inflexible dureté avec soi-même
Quand la personne en deuil se condamne avec sévérité, elle s’inflige une terrible punition : une considérable baisse d’estime d’elle-même conjuguée à une grande détestation de soi. Vécu avec une extrême intensité, ce sentiment d’indignité peut l’amener à vivre une dépression et à progressivement s’exclure de toute aide que ses proches pourraient lui apporter.
Pour certains, la culpabilité est une façon de maintenir un lien avec l’être disparu : « Quand je souffre, je suis toujours avec lui(elle). Je ne souhaite donc pas (trop vite) quitter cette douloureuse sensation de culpabilité ». Cela durera un temps jusqu’à ce qu’ils émergent peu à peu, comprenant qu’il est possible de créer un nouveau lien avec l’être cher dans un espace apaisé, sans culpabilité.
Se faire aider par un thérapeute
Tôt ou tard, le travail de deuil aidant, la culpabilité perdra progressivement de sa force, ses assauts douloureux diminueront et elle finira par se résorber.
La culpabilité est multiforme dans son expression, mais ses fondations sont en général peu profondes. À moins qu’il ne s’agisse d’une culpabilité relative aux conflits relationnels avec le défunt. Dans ce cas, les racines de la culpabilité, bien antérieures au deuil, sont beaucoup plus anciennes et profondes. Elles sont constitutives de la trame même de la personnalité de l’être endeuillé.
Le deuil révèle alors une problématique ancienne qu’il est nécessaire de résoudre pour continuer d’avancer. Cette culpabilité, tenace et étouffante, peut représenter un réel obstacle au bon déroulement du deuil. Il peut être opportun d’envisager une approche thérapeutique avec un psy pour en délier les nœuds et redonner une nouvelle liberté à la personne en deuil.
Le courage de regarder la culpabilité en face
Examinant dans son fort intérieur les intentions qui l’ont amenée à faire tel et tel choix en relation avec le défunt, la personne en deuil peut finir par comprendre qu’il n’y a pas lieu d’être aussi dure et inflexible avec elle-même. Qu’elle est en réalité sa responsabilité dans ce qui est arrivé ? Pourquoi se faire payer à l’infini ses propres imperfections ? Est-ce que l’être cher exigerait cela d’elle ? C’est en acceptant ce qu’elle ne peut changer que son conflit intérieur pourra cesser.
La culpabilité est une émotion complexe. Il faudra beaucoup d’honnêteté et de courage pour la regarder en face. Pour en débusquer l’origine et enfin se départir des reproches et des violences que l’on s’inflige. En se pardonnant à elle-même, la personne en deuil connaîtra enfin l’apaisement.
La parole, une incontournable libératrice !
La parole facilite le face à face avec sa propre culpabilité. Parler encore et encore à un proche (ou à une personne aidante) de ce ressenti qui écrase sa poitrine, cela contribue à en alléger le poids jour après jour. Il ne s’agira pas pour la personne qui l’accompagne de vouloir la déculpabiliser, mais bien de l’aider à dire ce qu’elle ressent, et d’y revenir aussi souvent que nécessaire. De l’aider, à son rythme, à mettre des mots sur l’émotion de la culpabilité. C’est de cette façon que l’étreinte de ce ressenti douloureux pourra peu à peu se desserrer.
Ce qui n’a pu être libéré par la parole pourra l’être par des actes symboliques. Des rituels personnels pourront aider la personne endeuillée à se décharger d’une culpabilité persistante. Dire ses regrets ou demander pardon, à haute voix ou en silence dans son cœur, ou encore par écrit, est un acte de réparation puissamment libérateur. La lecture de ces écrits en présence d’un proche peut en démultiplier l’effet bénéfique. Mettre sa culpabilité en lumière fait fondre l’intensité de cette émotion.
Une réparation constructive
Et si en elle-même, elle considère qu’il y a vraiment eu “faute” de sa part, la personne en deuil peut entreprendre naturellement une “réparation” en adoptant un comportement plus attentif à l’autre, plus impliqué. S’ouvrir à une communication plus profonde avec ses proches. Sans obligation. Simplement, en toute humilité, elle aura la joie dans son cœur d’être plus présente à sa vie et à celle des autres.
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25 Déc, 2022 à 13h35