Reconnaître un deuil compliqué
Dans de rares cas, il peut arriver que des évolutions difficiles surviennent au cours du deuil. On utilise alors l’expression de « deuil compliqué » pour décrire cette situation. Cela est peu fréquent, soyez rassurés. Ce qui importe pour vous c’est de connaître l’existence de ces complications, de savoir les détecter afin de mettre en œuvre les solutions les plus adaptées pour les résoudre. Ces complications sont de quatre types : des difficultés personnelles, des difficultés relationnelles avec autrui, une relation inadaptée avec la personne disparue et une identité cristallisée sur le statut de « personne en deuil ».
DES DIFFICULTÉS PERSONNELLES
Des problèmes de santé persistants
Le deuil compliqué peut se révéler au niveau physique par des problèmes de santé qui persistent ou s’aggravent au fil des années. Des insomnies réfractaires à tout traitement, une prise de poids massive, des maladies à répétition… Ces symptômes sont fréquents dans les premières années mais s’ils perdurent longtemps après la disparition de l’être aimé, ils signent une pathologie qui mérite d’être suivie par un médecin et/ou un thérapeute. Il y a en effet nécessité de mettre en place des changements dans son mode de vie et de pensée pour rééquilibrer sa santé.
Une dépression clinique
La dépression est un autre facteur de deuil compliqué (voir Différence entre vécu dépressif et dépression clinique). Plusieurs indices permettent de la détecter. Par exemple, un isolement majeur de la personne endeuillée avec un fonctionnement affectif, social, intellectuel et professionnel très perturbé voire totalement inhibé. Un autre signe est la présence d’idées suicidaires persistantes, avec le sentiment que l’avenir est définitivement fermé et une douleur continue qui s’aggrave avec le temps. La consommation excessive d’alcool, de drogues ou de médicaments sont d’autres indices qui peuvent révéler une dépression.
Non traitée correctement, une dépression peut empêcher le déroulement normal du deuil. Il est donc essentiel que la personne endeuillée se fasse accompagner par un médecin et/ou qu’elle aille rapidement consulter un thérapeute psy.
Des symptômes de stress post-traumatique
La présence de symptômes de stress post-traumatique est une autre situation qui nécessite d’intervenir le plus tôt possible pour libérer la personne endeuillée et lui permettre de relancer le processus de deuil. Si elles persistent au-delà de trois mois après l’événement traumatique, ces manifestations envahissantes au quotidien peuvent en effet parasiter le bon déroulement du deuil.
Des actes d’auto-sabotage
Au niveau professionnel, un signe de deuil compliqué est une négligence de plus en plus importante de son activité professionnelle avec des auto-sabotages plus ou moins délibérés. L’auto-sabotage peut se manifester également au plan personnel quand la personne en deuil dépense sans compter, au point de se mettre en danger au niveau financier.
S’enfermer dans une vision pessimiste
Plusieurs indices peuvent révéler une reconstruction dysfonctionnelle des années après la perte d’un être cher. C’est le cas, par exemple, quand la personne endeuillée projette sur l’existence une vision très pessimiste qui conditionne et limite considérablement son champ de vie et ses interactions avec autrui. Après s’être mise en retrait de façon durable de toutes relations sociales, totalement enfermée sur elle-même, la personne vit sa vie de façon beaucoup plus restreinte qu’avant la disparition de l’être aimé. Sa croissance semble s’être définitivement arrêtée. Comme si tout son univers s’était rétréci, avec très peu d’ouverture sur le monde et sur les autres. Avec le sentiment d’être dans l’impossibilité de reprendre le cours de sa vie « sans elle », « sans lui ».
DES RELATIONS COMPLIQUÉES AVEC AUTRUI
De l’hostilité à l’égard des autres
Des comportements ou des traits de caractère nuisibles aux relations avec les autres peuvent émerger, avec l’apparition ou la persistance de problèmes relationnels préoccupants au fil des années. Dans le deuil compliqué, certaines personnes nourrissent une amertume persistante face au bonheur d’autrui et cela les empêche d’établir des relations satisfaisantes. Elles s’installent dans une sourde hostilité à l’égard des autres, avec le risque de se reconstruire avec aigreur dans un statut de victime qui, au bout du compte, les rendent extrêmement malheureuses.
Un fort déficit d’estime de soi
Dans cette situation de retrait, la personne en deuil rejette plus ou moins consciemment toute relation saine et harmonieuse avec autrui, comme si elle n’y avait plus droit. Ceci est souvent révélateur d’une profonde atteinte de l’estime de soi. Cela peut amener la personne endeuillée à établir des relations abusives avec des personnes malfaisantes pour elle-même.
Des relations basées sur la peur
La situation peut également se compliquer quand les relations avec autrui ne sont plus fondées que sur la peur : peur d’une nouvelle catastrophe, peur de perdre à nouveau. Quand la personne en deuil vit dans une angoisse constante au sujet de ses proches, ses échanges avec les autres s’altèrent car son anxiété affecte négativement la fluidité de ses relations. Inquiète au quotidien, elle peut devenir surprotectrice. Ce qui risque de perturber l’équilibre familial et le développement harmonieux de chacun.
UNE RELATION INADAPTÉE AVEC LA PERSONNE DISPARUE
Le travail de deuil conduit normalement à l’installation d’un lien intérieur et pacifié avec la personne disparue. Quand cela ne se fait pas, c’est le signe d’un deuil compliqué. C’est le cas, par exemple, quand la personne en deuil continue à parler du défunt au temps présent, en niant la réalité de son décès ou encore quand elle arrête complètement sa vie parce que la personne décédée n’est plus là. Ceci révèle une impossibilité d’intégrer la réalité de la perte.
UNE IDENTITÉ RÉDUITE AU STATUT DE « PERSONNE EN DEUIL »
Être en deuil est un temps nécessaire de l’existence après la perte d’un proche : ce n’est pas un état constant et immuable. Il existe une complication du deuil – assez rare heureusement – où la personne s’installe dans un statut définitif de personne en deuil qui devient alors son identité. Elle fait constamment référence au deuil et s’enferme elle-même dans un statut qui bloque son évolution personnelle. Dans ce cas, une aide psychologique est nécessaire.
QUE FAIRE FACE À CES ÉVOLUTIONS NÉGATIVES ?
Si vous vous retrouvez dans une de ces situations plusieurs années après le décès, vous souffrez de problèmes qui nécessitent une aide médicale ou psychologique. En effet, de telles situations ne s’améliorent pas d’elles mêmes. L’expérience montre qu’on ne peut pas s’en sortir seul quand on est dans un deuil compliqué.
Relancer le processus de guérison
Aussi n’attendez pas. Faites le point avec honnêteté avec vous-même. Quelles que soient l’intensité ou la durée de vos difficultés, il n’est jamais trop tard pour y remédier. Vous pouvez toujours reprendre le cours d’un processus de deuil, même s’il est interrompu depuis plusieurs années. Il est possible à tout moment d’initier un nouveau départ, de s’ouvrir au flux de la vie. Avec une aide professionnelle adéquate, vous pourrez réellement parvenir à un apaisement salutaire.
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Cocoon Soon
15 Jan, 2023 à 18h24