L’enfant de 8 à 12 ans en deuil
Le pré-adolescent est en mesure de comprendre ce qu’est la mort, il commence à prendre conscience de la possibilité de sa propre disparition. Parce qu’il a la faculté de se projeter dans l’avenir, il saisit les répercutions qu’aura sur sa vie à court et long terme le décès de son proche.
Une apparente absence d’émotions
Il est moins dépendant de l’adulte mais il est loin d’être autonome. Il a tellement besoin de son parent décédé, il voudrait pouvoir dire combien il lui manque. Il voudrait confier son désarroi et son sentiment d’impuissance. Il souhaiterait exprimer ses émotions et ses besoins mais il craint de paraître infantile. C’est pour cela qu’il peut choisir d’enfouir ce qui le tourmente et qu’il affiche une façade de « grand » qui sait faire face. C’est l’une des raisons qui peut expliquer son apparente absence d’émotions.
Un sentiment de grande insécurité
Le silence et le calme dont il fait preuve peuvent soulager l’adulte qui trouve que son enfant est bien sage car il ne réagit pas tant que cela à l’annonce du décès. Mais derrière la façade impassible de son enfant, que se passe-t-il ? Il peut y avoir un sentiment de grande insécurité. L’enfant a l’intuition des bouleversements que va entraîner le décès de son parent dans sa vie de chaque jour. Il pressent qu’il va traverser des zones de turbulence qui vont le rendre plus vulnérable et plus fragile. Pour se protéger il peut choisir de remettre à plus tard ce deuil qui menace son existence. Il pense qu’il pourra assumer progressivement son deuil à la faveur d’un environnement plus stable et sécurisant, bien après le choc de la nouvelle du décès.
Cacher sa fragilité pour protéger son parent
L’absence de réaction de l’enfant peut avoir une autre origine. Comme par exemple le sentiment que son père (ou sa mère) dévasté(e) par la perte de son conjoint pourrait craquer psychologiquement s’il montrait sa fragilité et son désarroi. En conséquence, l’enfant va taire ses émotions pour ne pas faire peser de charge émotionnelle supplémentaire sur son père (ou sa mère) qui pourrait lui (elle) aussi s’effondrer et disparaître, croit-il. Quitte à sacrifier ses propres ressentis, il va endosser la responsabilité de protéger son parent, de le réconforter.
Ne pas intervertir les rôles parent/enfant
Mais il y a dans ce cas interversion des rôles de l’adulte et de l’enfant. Cette situation n’est pas tenable, l’adulte se doit d’intervenir au plus vite pour que chacun reprenne sa place. Il est sûr que ce peut être réconfortant pour un adulte de recevoir les soins attentionnés de son enfant, mais ce n’est pas à un petit enfant de « réparer » les failles de son parent. Il y a donc nécessité de rétablir très rapidement la situation. Il est vital que l’adulte aide son enfant à reprendre contact avec ses émotions, à rencontrer ce qu’il a enfoui en lui.
Chacun son lit !
Un autre point de vigilance concerne le lit parental que l’enfant pourrait être tenté de rejoindre pour apaiser sa peine et celle de son parent. Il faudra que l’adulte prenne sur lui et interdise systématiquement l’accès de son lit à son enfant. Cette attitude aura un double effet positif. D’une part, cela permet de lever l’ambiguïté : l’enfant ne peut remplacer le conjoint. Et d’autre part, cela contribue à créer des conditions favorables pour l’avenir affectif du parent.
Des tuteurs en dehors de la famille
Le cadre rassurant dont l’enfant a besoin pour ouvrir son cœur et se confier ne sera pas nécessairement celui de sa famille, choquée par l’impact du deuil. Ses « alliés » pourront être des personnes extérieures à la maison. Il pourra s’agir d’un professeur, d’un ami des parents, du père ou de la mère d’un camarade, etc. Ces adultes seront pour lui des « références » qui l’aideront à se (re)construire.
Un modèle pour se construire
L’adolescent est en quête d’un modèle, il a un fort besoin d’identification. Il peut arriver qu’il voue un véritable culte au parent décédé, avec un hyperinvestissement dans ce que celui-ci aimait, faisait ou était. C’est une façon pour lui d’être en proximité de cœur avec son parent disparu. Mais aussi de trouver dans ce modèle, un tuteur qui l’aide à s’individualiser, à grandir et à gagner en autonomie.
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Claire SALVY
19 Fév, 2020 à 19h14