La mort brutale et inattendue
Par nature, le décès brutal est imprévisible : nous n’avons donc aucun moyen de nous y préparer, aucune latitude pour amortir ce cataclysme qui déferle subitement sur notre vie. Dans le cas de décès traumatique, la personne endeuillée, totalement prise de court par la soudaineté du décès et le contexte dramatique, n’a pas le temps de s’adapter. Elle est dans une totale incompréhension de ce qui arrive.
Elle va chercher le moindre indice pour comprendre. « Pourquoi ? », cette question peut l’obséder. Un fort sentiment de culpabilité peut apparaître, en particulier si le décès fait suite à un suicide. S’ajoute à cela la souffrance de ne pas avoir pu dire au revoir à la personne aimée. Après un décès traumatique, une personne en deuil a besoin d’être aidée de façon très précoce.
Un processus traumatique possible
La violence des circonstances et du choc émotionnel est quelquefois si puissante qu’elle peut engendrer un processus traumatique conjointement au processus naturel de deuil.
Sa probabilité d’apparition est particulièrement élevée quand la personne a été présente sur le lieu du décès au moment du drame. Pour autant ce n’est pas un déterminisme absolu. Des conditions traumatiques ne vont pas systématiquement générer un processus traumatique. Cela diffère totalement d’un individu à l’autre, selon des réactions qui lui sont propres.
Le syndrome de stress post-traumatique (PTSD)
En règle générale, le processus traumatique réalise naturellement le cicatrisation du psychisme dans les mois qui suivent. Il arrive cependant que des symptômes persistent de façon invalidante dans le quotidien de la personne endeuillée. Elle témoigne, par exemple, qu’elle revit en boucle les images, les sons et les émotions du traumatisme dans toute leur intensité plus de trois mois après le décès. Cela manifeste que son système nerveux central ne parvient pas à intégrer le traumatisme. Dans ce cas il y a tout lieu de penser qu’elle développe un syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Il est primordial de le diagnostiquer au plus vite afin de le traiter. Dans le cas contraire cela pourrait perturber voire stopper le bon déroulement du processus de deuil.
Les caractéristiques d’un PTSD
Trois éléments caractérisent un syndrome de stress post-traumatique : des images intrusives très fortes émotionnellement, un stress chronique intense et la mise en œuvre de stratégies d’évitement.
- Plusieurs dizaines de flashs par jour
Les images de l’événement traumatique font irruption de façon inattendue et persistante dans la vie de la personne endeuillée. Sous forme de flashs ou de cauchemars à répétition. Ces images incontrôlables ont une grande intensité émotionnelle. Elles surgissent plusieurs dizaines de fois, jusqu’à une centaine de fois par jour. Le phénomène est particulièrement accentué au moment de l’endormissement.
L’irruption de ces images est tout-à-fait normale dans les deux ou trois mois qui suivent le décès. Si elles persistent au-delà de trois mois, on peut émettre l’hypothèse qu’un PTSD est en train de se former.
- Un stress chronique intense
Les personnes traumatisées sont dans un état d’hypervigilance constante, dans la hantise de devoir faire face à toute éventuelle nouvelle catastrophe. Elle sont très irritables, dans un état de stress chronique qui les épuise. En alerte au moindre bruit, elles réagissent avec anxiété à toute situation qui pourrait faire écho aux circonstances du deuil traumatique. Cela peut engendrer des difficultés de mémorisation ou de concentration, des troubles du sommeil, voire une dépression en raison de l’épuisement.
- Des attitudes d’évitement
Pour se protéger, la personne endeuillée va adopter des stratégies d’évitement. Elle fera en sorte de ne plus se rendre dans des lieux qui rappellent les circonstances de l’événement traumatique (une piscine, un manège, une certaine portion d’autoroute, par exemple). Se retrouver dans ces endroits réactiverait en effet douloureusement les images traumatiques.
Une thérapie efficace : l’EMDR
Une fois le diagnostic de PTSD posé par un thérapeute, trois types de traitements peuvent être mis en œuvre. On peut recourir à un traitement médicamenteux par antidépresseurs ; il ne soignera pas le PTSD, il en réduira seulement les symptômes. On peut également entamer une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), par nature brève. Une troisième technique – appelée « EMDR » – est également recommandée (1) car particulièrement efficace pour traiter le syndrome de stress post-traumatique. Voir notre article L’EMDR, une aide considérable.
La disparition des symptômes du PTSD
L’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) est une technique basée sur la stimulation sensorielle. Lors de la séance, le thérapeute (2) passe ses doigts devant les yeux du patient à un rythme déterminé ; il lui demande de suivre précisément du regard son mouvement. Le mouvement oculaire va stimuler le mécanisme du cerveau qui traite les situations traumatiques n’ayant pas été assimilées. Les résultats sont spectaculaires : en quelques séances, l’EMDR réduit significativement les symptômes du PTSD. Les flashs cessent, les situations jusqu’alors anxiogènes ne suscitent plus d’attaques de panique. La personne libérée peut reprendre son travail de deuil dans de bonnes conditions.
Il est important de noter que le traitement EMDR ne doit être entrepris que trois mois minimum après le décès. Intervenir avant risquerait de créer de nouveaux traumatismes.
Enfin, l’EMDR agit seulement sur le PTSD, elle ne va pas diminuer la peine du deuil ni l’apaiser, mais elle va favoriser le bon déroulement du processus de deuil. Cela en soi est considérable.
NOTES
- Lire l’article « Apaiser le cerveau par le mouvement des yeux », Sciences et Avenir, n° 864, février 2019, pages 66-68.
- Seuls les psychiatres et psychologues certifiés EMDR sont habilités à pratiquer cette thérapie. L’annuaire des thérapeutes EMDR est disponible sur le site www.emdr-france.org
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sandrine
14 Mai, 2023 à 18h49