Accompagner la fin de vie de notre fille de 14 ans - Mieux traverser le deuil

Accompagner la fin de vie de notre fille de 14 ans

16 mai 2019 Image Accompagner la fin de vie de notre fille de 14 ans

Ma fille m’avait téléphoné depuis son cours de danse : sa vue commençait à se troubler et parfois à se dédoubler ; elle demandait que je vienne la chercher. J’ai lâché mon travail, je l’ai rejointe et je l’ai trouvée pâle, fatiguée et surtout terrifiée par ses troubles de la vision qui se prolongeaient. Sur le moment, je n’y ai pas accordé grande importance : elle avait 14 ans, pratiquait la danse à un rythme soutenu et j’ai pensé que cela résultait d’une grande fatigue qu’accusait encore sa croissance.

Une prise en charge rapide

Une fois à la maison Julie s’est couchée immédiatement et a dormi jusqu’au petit matin. Le lendemain, les troubles de la vision avaient disparu, mais elle souffrait de vertiges et peinait à tenir debout. Nous sommes immédiatement allées chez le médecin et j’ai compris que son état était grave quand le généraliste a rapidement téléphoné à des confrères en leur demandant des examens le jour-même ou au plus tard dans le courant de la semaine.

Le travail de deuil débute du vivant de l’enfant

Les résultats sont tombés très vite : notre fille souffrait d’une tumeur au cerveau à un stade avancé. Les traitements ont été mis en place, mais ils n’étaient pas concluants : pendant plusieurs mois, notre fille « ne répondait pas », comme on nous l’expliquait et, progressivement, les chances qu’elle devienne sensible aux médicaments se sont amenuisées, puis ont finalement disparu.

Notre travail de deuil (le mien, celui de mon mari et de notre autre fille), ce travail a débuté du vivant même de Julie. Il a fallu vivre et abandonner les projets que nous avions ensemble (des projets de vacances, des projets de sorties très simples comme aller au cinéma tous les quatre deux fois par mois). Il a fallu accepter que ce que l’on imaginait pour elle un jour (elle intégrerait une belle école de danse, elle se marierait, elle aurait des enfants et nous des petits-enfants), ceci ne serait pas.

Entre fusion et confusion

Je me trouvais prise entre deux mouvements contraires : d’un côté, une forme de mise à distance qui, je crois, découlait de mon impossibilité à me projeter. De l’autre, et tout aussi réel, j’étais dans un état de proximité nouvelle avec ma fille, un état proche de la fusion qui s’exprimait dès que je poussais les portes de l’hôpital.

Désormais, nos échanges étaient réglés par les traitements et les soins et je sentais comme jamais jusqu’alors mon impuissance : je n’étais pas médecin, je ne pouvais rien faire pour aider ma fille. C’est à ce moment que j’ai souhaité me faire épauler par une psychologue de l’hôpital. Mon objectif était alors double : je voulais à la fois être soutenue, mais aussi comprendre ce que je pouvais faire pour accompagner ma fille autant que possible.

Choisir ses combats

Cette thérapeute m’a été d’une grande aide. Elle m’a expliqué que nous ne pourrions pas être sur tous les fronts, qu’il nous faudrait choisir nos combats, faire des arbitrages, et mon mari et moi avons dû décider ce que nous souhaitions le plus pour notre enfant. Voulions-nous qu’elle suive à la lettre le traitement médical qui l’épuisait et ne la sauverait pas ? Devions-nous nous obstiner à l’inciter à manger davantage alors que chaque bouchée l’écœurait ? La question qui se posait à nous était finalement de savoir quelle place nous accordions à sa qualité de vie, sous un angle physique, bien sûr, mais aussi psychologique.

Se concentrer sur le présent

Nous avons également dû apprendre à vivre au présent. La formule peut sembler convenue, mais penser et plus encore vivre au présent est presque contre-nature en Occident. Nos pensées nous conduisent souvent à regretter quelque chose qui n’est plus ou à redouter un événement qui n’est pas encore et qui, peut-être, ne sera jamais.

Saisir l’instant présent, son évanescence et sa beauté relève d’une démarche active, d’une discipline, même. Nous avons appris cela. Nous avons appris à lâcher prise pour nous concentrer sur l’ici et le maintenant et en saisir toute la richesse. Pour ne pas perdre un sourire. Savoir capter un regard. Oser dire que l’on s’aime et puis, un jour, se dire au revoir.

À l’heure des choix

En plus de cette psychologue, le personnel hospitalier nous été d’un grand secours pendant la durée de la maladie de notre fille. Nous n’avons jamais été seuls dans notre combat, nous étions avec eux. Ils ne nous ont pas lâchés un seul jour et leur soutien a été décisif quand il a fallu décider de l’intérêt de prolonger – ou pas – l’ultime traitement médicamenteux que recevait notre fille et auquel elle restait insensible.

Nous avons choisi. Nous savions que notre décision, quelle qu’elle soit, reviendrait régulièrement nous hanter. Nous avons choisi de donner sa chance au présent. Nous avons refusé de violenter plus encore le corps déjà blessé de notre ballerine. Nous l’avons laisser s’endormir doucement. Elle avait lutté pendant de longs moments, il était temps de la laisser se reposer enfin.

Christelle H.

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5 Commentaires

Micheline Vareilles

25 Août, 2020 à 17h52
Bonjour Nous avons vécu la même épreuve avec mon fils Jacques Lui aussi a eu une tumeur au cerveau infiltrante et incurable Tout a commencé aussi par une vision double qu’on appelle diplopie et des vertiges Radiothérapie chimio puis récidive te radiothérapie la 3ème récidive l’a emporté J’ai été bien épaulée par le corps médical la Pitie Salpetriere à Paris que ce soit la Rea ou le service neuro oncologie Il était conscient de son état et on s’était préparé à se dire au revoir Je sais qu’un jour je le retrouverai en attendant il m’accompagne ds mon quotidien et je partage en pensée avec lui chaque instant agréable il aimait tellement la vie Il allait avoir 40 ans et c’était mon fils unique

Isabelle

10 Août, 2020 à 17h07
Votre témoignage me parle. J ai accompagné ma fille de 27 ans jusqu’à sa fin de vie, après 2 ans de lutte contre une leucémie. Heureusement que son frère a été présent à nos côtés. Vivre intensément Le moment présent pour avoir des souvenirs et surtout ne rien regretter. Nous sommes partis à la mer 2 semaines avant son décès pour lui faire ce dernier plaisir... j entends encore son rire. Elle me manque tant!

Céline

10 Oct, 2019 à 21h05
Bonjour, Que vos paroles me parle, j ai vécu exactement la même chose avec ma fille de 16 ans partit le 30 juin 2019 d'une tumeur au cerveau aussi. Je lui ai fait vivre un maximum de belles choses avant de partir, le maximum de souvenirs avec sa petite sœur de 4 ans mais mon dieu que ce fut dur, une torture mentale au quotidien. Aujourd'hui, c'est le deuil, apprendre à vivre sans elle, vivre dans son souvenir... Bon courage à vous ❤️

Sylvie

30 Juil, 2019 à 22h58
J'ai vécu la maladie de mon mari de cette façon, au présent, ça m'est venu tout naturellement. Je me suis effondrée tout au début, j'ai eu la réaction que j'aurais du avoir à l'annonce de son décès. Puis je l'ai accompagné au jour le jour, comme si nous avions des années devant nous, au point d'en oublier l'issue fatale. Il est parti en 6 mois, je pense que mon deuil était déjà fait, cela fait 10 ans cette année, la vie continue, il est là dans mon coeur

BAROUILLET

14 Juil, 2019 à 20h16
Quel beau message !



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