Le deuil de notre enfant de 12 ans noyé - Mieux traverser le deuil

Le deuil de notre enfant de 12 ans noyé

16 mai 2019 Image Le deuil de notre enfant de 12 ans noyé

Nous étions en vacances au bord de la mer quand cela est arrivé. Le temps était splendide, l’eau calme d’un beau bleu turquoise. Lorsque notre fils de douze ans a dit qu’il avait envie de nager, son père et moi avons répondu un grand « Bien sûr ! Vas-y ! » d’une même voix. Paul avait l’habitude de nager et avait passé avec succès son brevet de natation. Nous étions en confiance. Nous lui demandions juste de ne pas aller trop loin et de rester dans notre champ de vision.

70 flashs de l’accident chaque jour

Les choses sont ensuite allées très vite. Quand nous l’avons vu faire des gestes désordonnés, au loin, nous appelant au secours, et que nous avons compris qu’il était en grave difficulté, mon mari s’est jeté dans l’eau mais il l’a rejoint trop tard. Les sauveteurs ont dit que notre fils avait pu avoir une crampe ou des problèmes respiratoires, rien que nous ne pouvions anticiper.

Dans les semaines qui ont suivi le décès de notre fils, les images de la scène de l’accident surgissaient constamment en moi de façon imprévisible et envahissante. Avec à chaque fois une intensité émotionnelle qui me tordait le ventre. J’avais des dizaines de flashs par jour, jusqu’à parfois 70, et chaque fois je revoyais le visage de Paul tourné vers nous, nous appelant. J’étais démunie face à cette résurgence de l’accident : les flashs avaient leur propre autonomie et s’imposaient dans tous les moments de ma vie quotidienne. Ils étaient particulièrement prégnants le soir, au moment de m’endormir.

Le syndrome de stress post-traumatique

Dans un premier temps, mon médecin généraliste ne s’en est pas inquiété. Puis plusieurs mois après, quand ces flashs ont persisté avec toujours autant d’intensité, il m’a communiqué les coordonnées d’un psychologue. Celui-ci pourra me confirmer s’il s’agit d’un syndrome de stress post-traumatique (PTSD, abréviation anglaise pour pour Posttraumatic stress disorder) en train de se constituer, et le cas échéant me proposer une thérapie adaptée.

Lors de mon premier rendez-vous, le psychologue m’a interrogé sur les circonstances de l’accident et la date de la disparition de Paul. Il m’a expliqué que le PTSD peut ralentir voire bloquer le processus de deuil. En effet, l’impact du choc émotionnel de la perte de l’être aimé est énorme pour leur cerveau. À tel point que celui-ci n’est pas capable de traiter l’événement, de le « digérer », pour arriver à l’intégrer, ce qui est, finalement, le propre d’un travail de deuil qui se déroule correctement. En présence de PTSD, le traumatisme reste toujours actif et profondément perturbant.

Trois symptômes caractéristiques

J’ai décrit au psychologue ce que je vivais et quelles émotions je traversais. Il m’a confirmé que ce que lui rapportais correspondait aux trois symptômes caractéristiques d’un PTSD. En premier lieu, les flashs intensifs qui attestent que la scène de l’accident est constamment réactivité par le cerveau. Ensuite, j’étais dans un état de qui-vive constant, vivant en permanence dans l’angoisse d’une nouvelle catastrophe à venir. Je me souviens d’un jour où je tenais la main de ma fille pour traverser et que l’ai serré excessivement fort quand un camion de pompiers est passé devant nous toutes sirènes hurlantes…

Enfin, je faisais en sorte d’éviter toute situation en lien avec l’accident, notamment tout contact avec l’eau. Il m’était impossible d’aller en bord de mer ou à la piscine, prendre un bain était parfois problématique. Mon mari tolérait ces réactions que j’étais la première à subir jusqu’à ce qu’il s’oppose énergiquement à moi parce que je refusais que notre fille prenne des cours de natation. C’est alors que j’ai pris conscience que mon comportement devenait problématique.

Traiter le syndrome grâce à l’EMDR

Le thérapeute m’a alors expliqué que, au-delà des médicaments antidépresseurs (qui ne soignent pas le PTSD, ils ne font que « brider » ses symptômes) plusieurs techniques pouvaient traiter le syndrome. Il m’a parlé des thérapies cognitico-comportementales (TCC) et de la technique dite « EMDR ». Ce sigle obscur (jusqu’alors, je n’en avais jamais entendu parler) vient de l’anglais et signifie « eye movement desensitization and reprocessing ». Concrètement, lors de la séance, le thérapeute demande au patient de faire des mouvements des yeux en suivant ses doigts qui passent de droite à gauche et de gauche à droite à un rythme déterminé. Ces mouvements stimulent le mécanisme du cerveau qui traite les situations traumatiques qui n’ont pas été assimilées.

J’ai accueilli cette proposition thérapeutique avec scepticisme. Je ne voyais pas le lien entre les mouvements des yeux et l’assimilation des traumatismes. Mais comme je n’avais pas d’autre solution à ma disposition, j’ai donné mon accord pour commencer le traitement.

Pouvoir continuer le travail de deuil

Lors de la première séance de EMDR, en guise de préparation, le psychologue m’a longuement interrogée sur mon histoire personnelle, sur mes éventuelle traumatismes anciens (ils peuvent en effet être réactivés pendant le traitement). Il a beaucoup insisté sur le fait qu’il ne fallait entreprendre un traitement EMDR qu’à partir de 3 mois après le décès, sinon il y a risque de traumatiser à nouveau la personne endeuillée.

D’une séance à l’autre, les résultats ont été surprenants : au bout de quelques rendez-vous, les flashs si envahissants ont totalement cessé. Je n’avais plus d’attaque de panique quand j’entendais une sirène, l’angoisse ne me tenaillait plus quand ma fille arrivait en retard de l’école. Progressivement, le cyclone intérieur a baissé d’intensité, j’étais de nouveau disponible pour continuer le travail de deuil. Deux ans après, il se poursuit encore, et pour dénouer l’écheveau de mes émotions j’ai choisi de me faire accompagner par un thérapeute. La douleur est toujours là, mais je me sens un peu plus apaisée, je retrouve peu à peu de l’espace en moi pour reprendre le cours de ma vie. Paul ne nous quitte pas, il est avec nous chaque jour dans notre cœur. Nous cheminons avec lui.

Fabienne M.

Note de la rédaction :

Seuls les psychiatres, psychologues ou psychothérapeutes dûment formés à l’EMDR et certifiés « Praticien EMDR Europe » sont habilités à pratiquer ce traitement. L’annuaire des thérapeutes pratiquant l’EMDR est disponible sur le site www.emdr-france.org

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2 Commentaires

Pascal G.

15 Juil, 2020 à 13h22
Bonjour Fabienne, Merci pour votre témoignage courageux. Nous avons nous même perdu notre fils en juillet 2019. Il avait 26ans. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour trouver les ressources qui nous aideront à continuer nos chemins. Notre fils Théo concluait parfois ses messages par cette magnifique phrase: "Amour sur vous!". Alors, Amour sur vous, Fabienne, Amour sur votre compagnon et votre fille, Amour sur votre fils Paul. Fraternellement. Pascal et Pascale.

Florence

04 Déc, 2019 à 18h49
Merci du fond du Cœur pour vos écrits, très clairs et parlants. Il est très difficile d'accepter l'inacceptable : la perte d'un enfant. Merci d'avoir expliquer les thérapies possibles qui permettent d'adoucir et de reprendre Vie. Je vous envoie de très douces pensées à vous sa maman, son papa, sa sœur et surtout à votre fils.



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