La colère
Irritation, sentiment d’injustice, colère, révolte, ressentiment… L’émotion de la colère se manifeste de façon multiple pendant le deuil, avec une intensité variable d’une personne à l’autre. Pour l’un il s’agira d’une simple irritation, pour l’autre ce sera un véritable tsunami qui le surprendra par sa violence.
Oser vivre la colère
La société considère qu’il est déplacé pour une personne endeuillée d’exprimer de la colère. Cette émotion a pourtant une place légitime. Comme la peur, la culpabilité, le vécu dépressif… elle surgit pour protéger la personne contre l’énormité de la perte de l’être aimé. Elle traduit un processus naturel et salvateur : une partie d’elle-même se mobilise pour préserver sa conscience de la violence d’une trop grande douleur.
L’effondrement de ses repères
La colère apparaît donc comme un moyen de protection pour la personne en deuil. Il n’y a pas de honte à la vivre. Si elle s’invite, il importe de la laisser s’exprimer, sans se préoccuper de ce que pourrait penser l’entourage, sans la refouler par peur d’être rejeté ou incompris.
La perte d’un être cher peut avoir un impact considérable sur son existence, pour certains cela engendre un effondrement total des repères et des croyances. En s’effritant les certitudes laissent place à une grande insécurité intérieure. Un sentiment de révolte peut naître contre ce que l’on estime être un destin funeste, un Dieu d’injustice… La personne en deuil vit un profond bouleversement qui l’amène à remettre en cause ses valeurs philosophiques, religieuses ou spirituelles.
La quête de sens
La quête de sens fera son chemin de différentes façons en chacun, avec une infinité d’issues possibles. Pour les uns, il s’agira de se résigner à une vision du monde vide de sens, où seul règne le jeu du hasard. Pour d’autres, ce sera une lutte acharnée pour reconstruire d’une nouvelle façon l’édifice qui a été détruit. Tous les comportements sont possibles entre ces deux attitudes.
Sur quelles valeurs édifier et retrouver sa confiance en la vie ? Cette question trouvera une réponse dans la dimension spirituelle de sa propre existence. Il est certain que la confiance retrouvée jour après jour contribuera à une harmonieuse reconstruction intérieure.
De multiples cibles
La colère vécue pendant le deuil a de multiple cibles : elle peut être dirigée contre l’équipe médicale, les autres, la personne décédée, soi-même…
La rancœur qui s’exprime à l’égard du personnel soignant peut être légitime (manque de délicatesse, d’écoute ou d’information, disponibilité insuffisante en temps et en qualité…). Si c’est le cas, il peut être adéquat de le signaler pour faire avancer les choses. Dans les faits, il n’est pas toujours aisé de voir la situation avec objectivité, la personne en deuil est tellement remuée par les pics émotionnels qui la traverse. Il est possible également que la colère à l’égard du médecin ou des infirmières surgisse pour masquer sa propre impuissance.
Une irritation envahissante
La personne en deuil peut focaliser sa colère sur son entourage. Voir leur bonheur, leur apparente indifférence, leur vie qui continue comme si de rien n’était, les entendre se plaindre pour des choses insignifiantes… Tout cela peut profondément l’irriter, lui donner le sentiment d’être seule, mal aimée, mal comprise.
Le sentiment d’être abandonné par l’être aimé peut faire surgir de la colère à l’égard de l’être décédé. Pourquoi est-il(elle) parti(e) si vite ? Comment vais-je m’en sortir sans lui(elle) ? Dans ces situations c’est la peur qui inspire la colère.
La colère contre soi-même
Il est une autre colère, celle que l’on exerce contre soi-même. La colère d’avoir aimé et d’en souffrir tant aujourd’hui, de ne pas arriver à s’en sortir seul(e), de ne pas avoir été à la hauteur… Le feu de cette colère est alimentée par le refus ou la condamnation d’une situation. Elle est intimement corrélée à un sentiment de culpabilité.
Une douleur ancienne à éclairer
La colère est de deux natures : de courte durée quand elle est légitimée par des faits objectifs, excessive et non contrôlable quand elle dissimule une souffrance intense à mettre en lumière. Dans ce dernier cas, il est précieux d’aller voir ce que cette colère cache en elle-même, il s’agira sans aucun doute de traumas anciens qu’il conviendra de revisiter pour s’en libérer. Le deuil réveille bien souvent d’anciennes douleurs. Il est vivement recommandé de profiter du métabolisme de cicatrisation du deuil pour les soigner en même temps que la blessure intérieure suite à la perte de l’être cher.
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Sénet Martine
23 Mai, 2023 à 00h01