L’EMDR, une aide considérable
Quand la disparition d’un être cher survient de manière brutale et inattendue (un accident, un suicide, un AVC…), le décès est qualifié de « traumatique ». La soudaineté et l’intensité de l’événement submergent les capacités d’adaptation de la personne endeuillée. Le risque de séquelles post-traumatiques est alors réel, en particulier si cette personne a assisté à la scène du drame.
Quand le système neurologique ne parvient pas à « digérer » l’événement traumatique celui-ci reste toujours actif, enkysté en soi, avec des séquelles perturbantes.
Le syndrome de stress post-traumatique
Cet état, qui peut persister des années après le décès, porte le nom de « syndrome de stress post-traumatique » (PTSD selon la dénomination internationale). Trois symptômes y sont associés :
– la réactivation fortement émotionnelle de l’événement sous forme de flashs, de cauchemars répétitifs ou d’images incontrôlables et envahissantes qui perturbent la vie quotidienne ;
– un état de stress chronique intense, avec le sentiment qu’un autre drame peut se produire à tout moment, accompagné d’un état d’hypervigilance conduisant à l’épuisement ;
– une attitude d’évitement de toutes les situations qui pourraient rappeler les événements.
Relancer le processus de deuil
Pour une personne endeuillée, il est tout à fait normal d’être envahie par des images traumatiques deux-trois mois après le décès. Mais si elles persistent avec toujours autant d’intensité au-delà de trois mois, il y a tout lieu de penser qu’un PTSD est en train de se constituer. Or la présence d’un PTSD ralentit fortement le processus de deuil, il peut même le bloquer. C’est dire combien il est important de l’identifier rapidement afin de mettre en place un traitement psychologique adapté.
Depuis le début des années 2000 en France, l’EMDR est une méthode qui s’est fait une place de choix (1) pour son efficacité dans le traitement des traumatismes et expériences de vie douloureuses.
Qu’est-ce que l’EMDR ?
L’EMDR, acronyme de l’anglais eye movement desensitization and reprocessing (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), est une thérapie brève qui vise à remettre en route les mécanismes naturels d’autoguérison du cerveau au moyen de stimulations bilatérales alternées (droite-gauche) guidées par un praticien. Elle permet de soigner des blessures psychologiques liées à des traumatismes, récents comme anciens.
Ce traitement, mis au point par la psychologue américaine Francine Shapiro et popularisé en France par la psychiatre David Servan-Schreiber, s’inspire des mouvements oculaires que nous effectuons spontanément la nuit pendant la phase des rêves.
L’EMDR est aujourd’hui une méthode reconnue par la communauté scientifique et ses instances.
Dans quel cas est-elle adaptée au vécu du deuil ?
Lorsque le décès est traumatique, les informations liées à l’événement sont susceptibles de rester bloquées dans le cerveau. Celui-ci ne parvient plus à les traiter et les évacuer, générant de fortes perturbations émotionnelles. L’EMDR va aider le système neurologique à reprendre son fonctionnement normal de traitement de l’information.
Cette
thérapie est très efficace pour faire disparaître les symptômes du stress
traumatique. C’est là sa fonction première, elle ne va pas agir directement sur
la douleur du deuil, elle ne va pas l’apaiser. Mais, et c’est essentiel, elle
va contribuer à relancer le processus de deuil.
Autre précision importante, la technique EMDR ne peut être envisagée qu’à
partir de 2-3 mois minimum après le décès pour ne pas prendre le risque de
traumatiser la personne à nouveau.
Comment se déroule la thérapie ?
Le traitement EMDR se déroule selon un protocole précis. Après une phase de préparation importante pendant laquelle le praticien prend connaissance de l’histoire du patient et mesure le niveau de perturbations ressenties, les événements traumatiques vont être retraités un à un, chacun nécessitant une ou plusieurs séances. Le patient est invité à replonger dans le souvenir perturbant tout en suivant des yeux les séries de balayage bilatéral que le praticien va effectuer avec ses doigts. Entre chaque série, le patient fait part de ses ressentis qui vont se modifier au cours de la séance pour atteindre un état de calme et d’apaisement. À l’invitation du praticien, des pensées positives et constructives sont finalement associées consciemment à l’événement, dans le but d’améliorer l’estime de soi.
Le protocole intègre également des évaluations régulières qui permettent de faire le point sur l’évolution des perturbations et d’ajuster les besoins.
Comment choisir son praticien ?
La thérapie doit obligatoirement être menée par un psychiatre, psychologue ou psychothérapeute dûment formé à l’EMDR et ayant obtenu le titre de « Praticien EMDR Europe » le certifiant. Le traitement pouvant potentiellement réveiller d’autres vécus traumatiques et émotions douloureuses, il doit par conséquent être encadré par un professionnel de la psychologie en capacité de les gérer.
En France, l’EMDR est représentée par l’association EMDR France. Elle délivre les accréditations et fournit un annuaire des professionnels : www.emdr-france.org
La durée de la thérapie est variable d’une personne à l’autre. Il faut savoir que son coût peut représenter un budget important et que très peu de prises en charge sont proposées. Un aspect somme toute regrettable devant un traitement qui a fait ses preuves.
> Une maman témoigne de son expérience
Hélène, 32 ans, a vécu la perte de son bébé quelques jours avant le terme de sa grossesse
« Plusieurs mois après la mort de notre bébé, alors que j’arrivais à un état d’épuisement physique et moral, j’ai senti que je sombrais dans une dépression. J’avais entendu parler de l’EMDR, je m’étais documentée sur le sujet et on m’avait conseillé une thérapeute. Je me suis dit que cela valait le coup d’essayer la méthode, sans y mettre tous mes espoirs. J’ai pris rendez-vous avec cette psychologue et nous avons démarré le protocole. Il était rassurant de voir qu’elle prenait beaucoup d’informations sur mon expérience traumatique mais aussi sur mon parcours de vie. Après cette préparation, nous sommes passées à la phase de retraitement des événements, sur plusieurs séances. À la fin de chacune, je ressentais un état d’apaisement, j’avais la sensation d’avoir réussi à mettre à distance certains souvenirs douloureux. La tristesse et le manque subsistent toujours bien sûr, mais j’ai le sentiment d’être plus en paix à présent ».
L’EMDR n’a pas pour objet d’effacer les traumatismes, mais bien d’en apaiser le souvenir. Il est à considérer comme un outil complémentaire qui permet de relancer le processus naturel de cicatrisation des blessures psychiques pendant le deuil.
(1) Voir article « Apaiser le cerveau par le mouvement des yeux », Sciences et Avenir, n° 864, février 2019, pages 66-69.
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Annyvone
31 Oct, 2022 à 13h23